Avec plus de trente ans d’histoire et une présence qui s’étend du tourisme de montagne aux parcs de loisirs, en passant par l’hôtellerie, les activités sportives urbaines et la distribution de séjours, la Compagnie des Alpes occupe une place singulière dans le paysage français. Peu d’acteurs réunissent une telle variété de parcours de paiement : billetterie en ligne, automates, caisse physique, abonnements, paiements récurrents, portefeuilles numériques, espèces, chèques-vacances émis par l’Agence Nationale pour les Chèques-Vacances, réservations hôtelières à plusieurs milliers d’euros, achats impulsifs dans les parcs ou flux internationaux selon la saison. Cette diversité fait du groupe un véritable observatoire de l’évolution des usages.

Lorsque Bastien Robillard rejoint la Compagnie des Alpes, il découvre un environnement très fragmenté. « Chaque site avait ses coutumes, ses prestataires, ses intégrations. On n’avait aucune trajectoire groupe possible. » Pendant près de deux ans, il s’attelle à un chantier massif : unifier l’ensemble des flux autour d’un prestataire unique (Adyen), harmoniser les outils, aligner des pratiques qui s’étaient développées de manière indépendante. L’année 2026 s’inscrit dans la continuité de ce travail de fond. « Notre objectif principal reste d’éduquer l’écosystème interne au rôle du paiement. Maintenant seulement, on peut commencer à aller plus loin », explique-t-il.

Pour la première fois, le groupe peut envisager une stratégie de paiement globale, cohérente, lisible, structurée. L’arrivée d’un opérateur monétique omnicanal dédié renforce cette dynamique : la Compagnie des Alpes dispose désormais d’une véritable capacité d’analyse, de réponse et d’anticipation, indispensable pour gérer un périmètre aussi vaste.

Des usages qui évoluent par paliers : portefeuilles numériques, méthodes locales, espèces et comportements durables

Parmi les évolutions les plus visibles, la progression des portefeuilles numériques s’impose avec une force évidente. L’usage d’Apple Pay augmente instantanément dès qu’il est activé. « Si on doit mettre quelque chose, c’est Apple Pay. L’usage grimpe immédiatement. Google Pay, c’est une micro-goutte », observe Bastien Robillard. Ce constat se vérifie sur tous les types de sites. Dans les stations, où de nombreux clients achètent leur forfait depuis leur téléphone en fonction de la météo du lendemain, Apple Pay est devenu un réflexe. Sa généralisation sur l’ensemble du groupe fait partie des priorités 2026, même si certains parcours doivent encore être adaptés.

Dans les pays où le groupe opère, les méthodes locales continuent de structurer l’expérience client. En Belgique, Bancontact reste incontournable ; aux Pays-Bas, le système iDEAL est indispensable ; en Suisse, Twint est largement utilisé ; en Allemagne, PayPal fait partie des habitudes. « On est en Belgique, il faut Bancontact. Aux Pays-Bas, s’il n’y a pas iDEAL, on se tire une balle dans le pied », résume Bastien. Cette diversité implique une compréhension fine des usages nationaux, mais aussi une infrastructure de paiement capable d’intégrer ces méthodes sans complexifier la gouvernance interne. C’est précisément ce que l’unification autour d’un prestataire unique permet désormais.

Face à ces comportements bien établis, certaines innovations annoncées comme majeures évoluent beaucoup plus lentement. C’est le cas du paiement par virement bancaire instantané (nldr pay-by-bank), encore marginal dans les usages du loisir et du tourisme. « Les gens utilisent ce qu’ils connaissent. Pour qu’un moyen de paiement rentre dans les usages, c’est très long. » Même les paniers les plus élevés — séjours hôteliers, locations premium, packages touristiques — n’encouragent pas les clients à changer leurs habitudes : le paiement par carte bancaire reste dominant.

Le paiement en plusieurs fois, bien qu’utile, ne provoque pas non plus la transformation annoncée par certains acteurs du marché. Il est proposé sur plusieurs sites, mais son volume réel demeure inférieur aux attentes.

Enfin, un point revient avec constance dans l’ensemble des activités du groupe : la résilience des espèces. Dans les parcs d’attractions, les visiteurs — et notamment les familles — utilisent encore largement les paiements en liquide, que ce soit pour les snacks, les souvenirs ou les achats rapides. À la montagne, de nombreux visiteurs internationaux continuent également d’utiliser les espèces pour régler leurs forfaits. « Impossible de l’éliminer », note Bastien. La Compagnie des Alpes n’anticipe pas une disparition du cash à court terme ; elle privilégie au contraire une approche pragmatique et graduelle.

Pour les chèques-vacances, la transition est également en cours. Le passage du format papier aux chèques-vacances dématérialisés de l’Agence Nationale pour les Chèques-Vacances se poursuit, même si certains outils d’encaissement doivent encore être adaptés pour garantir une compatibilité complète.

Stabilité, pragmatisme et structuration interne : 2026 comme année d’appropriation

Alors que l’industrie du paiement multiplie les innovations — orchestration, biométrie, crypto-actifs, optimisation algorithmique — la Compagnie des Alpes adopte une approche mesurée, orientée vers la qualité de service et la résilience opérationnelle.

Sur la question de l’orchestration, Bastien est clair : « Je suis comme une galaxie de nombreux marchands. Je n’ai pas besoin d’orchestration. » La multiplicité des sites, la diversité des parcours et la nature même du secteur — où le client ne change pas de destination à cause d’une authentification échouée — rendent l’orchestration beaucoup moins pertinente que dans d’autres industries, tant que le parcours paiement est fluide et s’appuie sur un acteur fort.

Les crypto-actifs ne sont pas davantage à l’ordre du jour. « Aucune demande, zéro », tranche Bastien. Sans demande client, et au regard des implications réglementaires, le groupe n’a pas vocation à ouvrir ce chantier en 2026.

L’année à venir sera donc marquée par une consolidation interne. Analyse des flux, optimisation des coûts, priorisation des projets techniques, montée en compétence des équipes, gouvernance renforcée : l’ambition est d’installer durablement une approche structurée, stable et capable de soutenir les enjeux de long terme du groupe.

Dans un secteur où l’innovation attire souvent la lumière, l’approche de la Compagnie des Alpes rappelle une vérité essentielle : la transformation la plus durable est souvent celle qui commence par une maîtrise parfaite des fondamentaux.