Née à l’ère du crowdfunding, Lemonway a fait de la régulation son ADN et de la maîtrise technologique son langage commun. Dix-huit ans plus tard, elle opère dans 29 pays et gère plus de 10 milliards d’euros de flux pour des centaines de marketplaces européennes.

Le parcours d’Antoine Orsini, co-fondateur et CEO, illustre bien cette trajectoire. Passé par Nestlé et Bouygues Télécom, il découvre le paiement presque “par accident”, en lançant en 2007 avec Sébastien Burlet un service de transfert d’argent par SMS. “On était dix ans trop tôt, mais on avait compris une chose : le futur du paiement se jouerait à la croisée du mobile et de la régulation.”

Très vite, Lemonway comprend que la technologie ne suffit pas : dans le paiement, l’innovation n’a de valeur que si elle s’appuie sur la confiance - celle des banques, des régulateurs, des marchands.

Le 24 décembre 2012, l’ACPR délivre son agrément d’établissement de paiement : “notre cadeau de Noël”, se souvient Antoine Orsini. L’entreprise peut désormais gérer les flux, les comptes de cantonnement et les obligations de lutte anti-blanchiment.

“On a mis trois mois à convaincre la première banque d’ouvrir ces comptes. Ça a forgé notre culture : apprendre à négocier la confiance.”

Entre 2013 et 2016, Lemonway s’impose dans le financement participatif (crowdlending, crowdequity, dons). Sa proposition : cantonner, sécuriser et accompagner.

Puis vient la vague des marketplaces multi-vendeurs, avec les mêmes besoins : encaissement pour compte de tiers, KYC, réconciliation comptable. “Une marketplace encaisse pour d’autres : dès ce moment-là, elle devient un acteur de paiement sans le savoir.”

En 2017, une levée de fonds marque le passage à l’échelle européenne. Lemonway devient l’intermédiaire privilégié des plateformes qui veulent se structurer sans se transformer en banque.

La société déploie son modèle dans 29 pays via la libre prestation de services de la DSP2 et des implantations locales — Hambourg pour l’Allemagne, Milan pour l’Italie. “La complexité européenne n’est pas un frein : c’est une barrière à l’entrée pour ceux qui ne veulent pas s’y plier.”

Lemonway a appris à dialoguer avec les régulateurs - BaFin, ACPR, Banca d’Italia, FMA - pour construire une infrastructure paneuropéenne, souveraine et conforme.

En 2025, Lemonway franchit une étape clé avec le lancement d’un parcours d’onboarding entièrement digital, développé avec Onfido et Comply Advantage : lecture automatique des documents, reconnaissance faciale, signature électronique et screening en temps réel.

“Un bon parcours KYC, c’est aussi important qu’un bon parcours de paiement.”

Cette brique, pensée pour les marketplaces et les acteurs de la finance alternative, transforme une obligation réglementaire en levier d’efficacité.

L’acquisition de PayGreen, en juin 2025, illustre cette approche pragmatique. Spécialisée dans le e-commerce pour la restauration et le voyage, la fintech apporte à Lemonway une culture produit plus directe : “PayGreen nous a appris l’onboarding marchand ultra-rapide.”

Aujourd’hui, PayGreen by Lemonway représente environ 10 % du chiffre d’affaires du groupe, et surtout un laboratoire pour tester de nouvelles verticales : simples, agiles, toujours régulées.

Contrairement aux marques de paiement grand public, Lemonway ne cherche pas la visibilité. Son client, c’est la plateforme : “Notre mission, c’est d’aider les marketplaces à diffuser leur propre expérience de paiement, pas à la remplacer.”

Cette logique de “back-end visible” séduit de nombreux partenaires : Decathlon, SNCF Connect, Eiffage, Bricks, Blast, ou encore plusieurs fédérations sportives. Tous y voient un moyen d’intégrer des vendeurs tiers sans compromettre leur cohérence de marque.

Lemonway privilégie la rentabilité à la course au volume. Son ancrage européen, avec des filiales locales, illustre une conviction : la conformité est une infrastructure, pas une contrainte.

Dans un paysage réglementaire marqué par la DSP3, DORA et les exigences ESG, Lemonway avance avec un atout rare : une décennie d’expérience à transformer la contrainte en stratégie. “Notre métier, c’est de faire simple ce que la régulation rend complexe - sans jamais la contourner.”