Longtemps, le monde du financement à la consommation a été pensé comme binaire : d’un côté les épargnants, de l’autre les emprunteurs ; d’un côté les fourmis, de l’autre les cigales. Avec Save & Pay, sa nouvelle application en cours de déploiement, Floa veut casser cette dichotomie. La fintech filiale de BNP Paribas lance un outil qui fait le pari d’hybrider les comportements : planifier, mettre de côté, et éventuellement compléter par un crédit court si besoin.
« Notre mission, c’est de financer des projets qui tiennent à cœur aux consommateurs. Or, ces projets peuvent être atteints de plusieurs façons : soit par le crédit, soit par l’épargne. Save & Pay s’inscrit dans cette logique hybride, en permettant de mieux anticiper », explique Marc Lanvin, Directeur Général Adjoint de Floa.
Avec Save&Pay, l’épargne s’invite dans les facilités de paiement
Depuis deux ans, les vidéos de « cash stuffing » se multiplient sur les réseaux sociaux TikTok et Instagram : à chaque début de mois, on retire de l’espèce, on la répartit dans des enveloppes pour le loyer, l’électricité, les sorties, les projets… Une mécanique simple, visuelle, gratifiante. « C’est cette pratique que nous avons voulu transposer dans le digital », confie Damien Lacroix, directeur de l’innovation de Floa.
Dans l’application, l’utilisateur crée une enveloppe projet - exemple : 250 € pour une paire de baskets d’ici janvier. Il définit ensuite ses règles d’épargne : soit avec un prélèvement récurrent classique, soit avec des déclencheurs plus ludiques (météo, activité sportive…). « On voulait que ce soit indolore. Chaque fois qu’il pleut, par exemple, dix euros peuvent être mis de côté. Chaque fois que j’atteins 10 000 pas dans la journée, cinq euros viennent alimenter ma cagnotte. Quand je n’achète pas de cigarettes ou que je cuisine au lieu de commander, je valorise cette économie en l’envoyant vers mon projet. L’idée, c’est que les petits gestes deviennent une progression visible », poursuit Damien Lacroix.
Un serpent qui se remplit, une jauge qui progresse : la mécanique psychologique est assumée. « Ce que permet l’app, c’est de rendre ludique un effort qui serait douloureux. Les utilisateurs nous disent : mine de rien, je mets 10 euros par semaine et j’arrive à 400-500 euros en quelques mois. Cela correspond d’ailleurs au ticket moyen du BNPL », note Marc Lanvin.
Mais vous allez me dire, où se trouve le paiement fractionné dont Floa a le secret?
Le Boost : vers une logique d’accès au mini-crédit plus encadré
La touche qui fait son effet: le Boost. Quand l’utilisateur a déjà atteint 50 % de son objectif, il peut demander à Floa de financer le reste sous forme de mini-crédit.
« Le crédit n’est pas une fatalité. C’est un levier complémentaire, accessible seulement quand l’utilisateur a déjà montré un effort. C’est vertueux : cela réduit le risque, et cela rend le parcours beaucoup plus responsable », insiste Marc Lanvin.
Cette logique résonne avec une analyse plus globale. « On assiste à une évolution naturelle du marché : l’hybridation entre crédit et épargne correspond à la fois à une volonté d’apporter plus de protection au consommateur et à l’objectif des régulateurs de responsabiliser les acteurs. Le BNPL n’est pas une cause directe de surconsommation, mais il a parfois un effet anesthésiant. Avec des outils comme Save & Pay, il devient possible d’anticiper et d’épargner au lieu de consommer au-dessus de ses moyens », souligne Andrea Toucinho, Directrice Etudes, Prospective et Formations au sein du cabinet de conseil Partelya.
Une convergence entre responsabilisation, régulation et rôle des marchands
Au-delà des consommateurs, ce nouveau modèle pourrait intéresser aussi les commerçants : il ne s’agit plus seulement de proposer une facilité de paiement au moment du checkout, mais de capter l’intention d’achat bien en amont. En rendant le client plus engagé dans son projet, Save & Pay promet d’une certaine manière de limiter les impayés, mais aussi de transformer l’épargne accumulée en un flux d’achats plus qualifiés et plus sécurisés pour les retailers.
Le déploiement de Save & Pay sera progressif, avec un lancement grand public prévu pour 2026. Mais déjà, Floa travaille sur des extensions : cashback partenaires, intégration dans des écosystèmes bancaires existants, enrichissement par l’intelligence artificielle (suggestions personnalisées, reconnaissance d’objets pour créer un projet à partir d’une photo…).
« Les commerçants ont tout intérêt à accompagner ce mouvement. Leur objectif n’est pas d’avoir des impayés, mais de sécuriser des ventes pérennes. Certains craignent une complexification du système, mais dans les faits ils ont déjà intégré ces logiques. Le vrai enjeu est de trouver l’équilibre entre accès et excès : une consommation responsable qui protège le consommateur tout en assurant la pérennité de la verticale », analyse Andrea Toucinho.
Pour les marchands, Save & Pay ouvre une nouvelle étape : il ne s’agit plus uniquement de proposer un moyen de paiement au moment de l’achat, mais d’accompagner la maturation de l’intention. En pratique, cela signifie des projets mieux préparés, un engagement plus fort du consommateur et, in fine, des achats plus qualifiés et plus sécurisés.
À date, il n’y a pas de marchands officiellement annoncés sur ce produit mais selon les équipes de Floa, plusieurs marques d’intérêts sont déjà en cours. Floa compte à l’heure actuelle plus de 15 000 partenaires.
Avec 4 millions de clients au sein. de Floa, reste à savoir si les consommateurs s’approprieront durablement ce type de produits. « On ne peut pas encore dire si nous sommes face à une mode éphémère ou une tendance de fond, mais il existe une vraie volonté des acteurs de marché de porter une logique plus responsable. Le consommateur, lui, perçoit cela comme une forme de consommation durable et maîtrisée. On observe déjà des différences de dynamique selon les pays : ces solutions semblent particulièrement appropriées en Europe du Sud, où les salaires sont plus bas et la sensibilisation nécessaire, tandis que dans le Benelux ou en Allemagne, l’adoption repose davantage sur une logique de confort budgétaire », ajoute Andrea Toucinho.
Save & Pay illustre le rôle de laboratoire d’usages que joue Floa au sein du groupe BNP Paribas. « Quand nous avons quitté le giron du distributeur Casino, cela nous a permis de nous ouvrir à tout l’écosystème. Aujourd’hui, nous sommes partenaires de SFR, Samsung, du secteur du travel, et nous continuons d’innover sur des produits circulaires comme la reprise d’appareils. Save & Pay s’inscrit dans cette continuité », rappelle Marc Lanvin.
Dates clés de Floa
2001 – Création de Banque Casino, co-entreprise du Groupe Casino et de Crédit Mutuel.
2011 – Déploiement du paiement fractionné en ligne, pionnier en France.
2019 – Rebranding en Floa, pour affirmer une identité fintech et internationale.
2020 – Lancement de Floa Pay, solution BNPL intégrée pour e-commerçants et retailers.
2021 – BNP Paribas et Advent International prennent le contrôle de Floa pour accélérer son expansion européenne.
2022-2023 – Expansion européenne (Portugal, Belgique, Italie, puis Allemagne et Pays-Bas).
2024 – Partenariats structurants (Samsung, SFR, secteur travel) et diversification (assurance, reprise circulaire).
2025 – Lancement en bêta de Save & Pay